Sous un grand ciel constellé d’étoiles, au gré de la tiédeur des alizés, l’esprit navigue langoureusement au sein de l’énigmatique univers des songes, de ceux qui vous séduisent, vous fascinent, vous enivrent, enflamment votre imagination.
K’yoi-k’yow k’yoi-k’yow… »
» Whee’o-whee’u whee’o-whee’u… »
Lorsqu’en progressant difficilement dans une forêt tropicale humide et nuageuse d’altitude, à la végétation épaisse, machette à la ceinture.
» K’yoi-k’yow k’yoi-k’yow… »
» Whee’o-whee’u whee’o-whee’u… »
Ou en longeant la crête d’une falaise bordant un a-pic de ravin, piolet bien en main.
» K’yoi-k’yow k’yoi-k’yow… »
» Whee’o-whee’u whee’o-whee’u… »
Ou bien encore en traversant, entre deux ondées tropicales, une clairière ou un pâturage avec des arbres clairsemés en bordure de la forêt.
» K’yoi-k’yow k’yoi-k’yow… »
» Whee’o-whee’u whee’o-whee’u… »
Si vous avez le privilège d’entendre cette mélodie, pas très harmonieuse, aux allures d’un grincement de volet métallique parmi la cacophonie bruyante des chants de la nature que propage le vent, portez immédiatement votre regard le plus perçant vers la canopée, en haut de la cime des grands arbres, là, où se trouvent les fruits de l’aguacatillo, tous vos sens en éveil, taux d’adrénaline portée à son maximum.
Alors, si les dieux Mayas sont bienveillants, vous apercevrez:
Des couleurs changeantes au gré de la lumière et de la végétation, des iridescences d’éclats précieux, cuivrés, bronzés et dorés qui se reflètent sur des éclaboussures d’arc-en-ciel, du bleu, du vert émeraude, du rouge et même une touche de jaune.
« C’est lui. Ne voyez vous pas sa poitrine rouge comme le sang et ses bras verts comme la sève ?
C’est du sans d’arbre et du sang d’animal. Il est oiseau et arbre.
Ne voyez vous pas toutes les nuances de la lumière sur son corps de Colombe ?
Et les longues plumes de sa queue ?
Oiseau au sang vert, arbre au sang rouge.
Son plumage vert arbore toutes les diaprures du tournesol et on le dirait peint sur un fond d’or comme les mosaïques byzantines.
Le Quetzal, c’est lui, c’est lui ».
Miguel Angel Asturias
Symbole de liberté, oiseau mythique et sacré, c’est le Quetzal Resplendissant, le bien nommé.
A sa vue, transpercé d’une fulgurance d’émotions, votre corps est prêt de défaillir. Vous êtes saisi du syndrome de Stendhal, pétrifié devant cette merveille de beauté à la majesté sans pareille.
A cet instant, une fraction de seconde, l’espace d’un éphémère, de battre votre coeur s’arrête.
A la saison des amours, le mâle se pare de longues plumes, puis danse, il danse. Puis tournoie, il tournoie, autour d’une femelle faussement impassible et indolente. Les longues plumes du Quetzal ondoient, doucement, tout doucement captivant généreusement les rayons du soleil, pour les offrir à sa belle.
La genèse maya, dans le Popol Vuh nous dit que les dieux créèrent l’homme.
Tlaloc, le dieu bleu, essaya avec de l’argile.
Xipe Totec, le dieu rouge, avec des branches.
Tezcatlipoca, avec de l’or.
Tous sans succès.
Quetzalcóatl, le serpent à plumes, le dieu blanc, pétrit une pâte de maïs jaune et de maïs blanc, y mêla une goutte de son sang, modela un homme, y insuffla la vie : l’homme était achevé.
Depuis ces temps anciens, les légendes mayas racontent que le matin où le Seigneur de l’aube et du crépuscule créa le monde, des vents magiques auraient condensé l’esprit d’un arbre et fait tourbillonner ses feuilles, d’où se serait envolé le premier Quetzal.
Depuis ce temps, le Quetzal est vénéré par les peuples mayas comme étant leur emblème protecteur, admiré pour sa bravoure, son courage et sa beauté.
Le Quetzal Resplendissant était considéré comme une divinité par les civilisations Précolombiennes. Il était le dieu de l’Air pour les Aztèques et les Mayas, symbole de la bonté et de la lumière. Attenter à la vie d’un Quetzal était considéré comme un crime.
Certains hommes racontent également que, fier et ambitieux, le Quetzal aurait voulu être choisi comme roi des oiseaux et se para des plus belles plumes de tous les autres oiseaux, réunissant ainsi tous les attributs royaux, mais ceci n’est que vanité humaine, balivernes.
Les plumes du Quetzal jouissaient d’une valeur très élevée et étaient considérés comme des éléments précieux que certains villages du sud du Mexique et d’Amérique Centrale utilisaient comme monnaie d’échange. Les mayas utilisaient d’ailleurs ses plumes pour s’en orner, le terme quetzalli voulant dire beau. Plus tard, le Guatemala donnera son nom à sa monnaie.
Toutefois, sur le territoire des Quiches, une loi interdisait tout commerce de l’oiseau sacré passible de la peine de mort.
En 1524, lors de la bataille qui opposa l’envahisseur Espagnol, sous les ordres de Pedro de Alvarado, aux Quiches, commandés par Tecún Umán, dans la plaine de Quetzaltenango, au bord d’une rivière. Au moment où Alvarado vainquit Tecún Umán en combat singulier pour sceller le sort de la bataille, lorsque ce dernier tomba sous l’épée du conquistador, un Quetzal vint se poser alors sur sa blessure sanglante. Il s’envola ensuite avec le dernier souffle du guerrier, paré d’une tache vermillon sur le poitrail, qu’il arbore comme un étendard pour toujours.
Selon une croyance qui subsiste encore de nos jours dans certaines communautés, Tecún Uman reviendra un jour et libérera le peuple indien de l’oppression qu’il subit encore aujourd’hui…
Le Quetzal ne supporte pas la captivité et se laisse mourir si on le met en cage, c’est pourquoi cet oiseau de légende symbolise à jamais la liberté.
Le Quetzal, c’est bien plus que la représentation vivante de la beauté de l’Amérique centrale.
Le Quetzal Resplendissant est avant tout intimement liée à l’histoire de son peuple, à sa culture, à ses valeurs depuis les temps les plus anciens et jusqu’à ceux à venir.