Le mystère d’une émotion.
La Saudade, c’est un état âme qui nous vient du Portugal et qui n’a pas trouvé de traduction dans les autres langues. Elle est chère au coeur des grands navigateurs portugais, coureurs des mers, découvreurs, explorateurs du monde. C’est le reflet d’une faille, un sentiment de vide de l’instant présent, une notion de manque, mais rarement d’amertume. Elle exprime l’envie de conjurer le sort, afin d’apporter par anticipation une beauté au futur, d’apprivoiser l’imprévisible, le néant vaste et noir. La Saudade, c’est la volonté inconsciente d’essayer de combler une lacune par la pensée, par le rêve, afin d’espérer rendre la vie plus belle, de connaître l’harmonie avec la nature, les personnes, un éphémère. Et d’éphémères en éphémères, écrire une histoire qui se glisserait dans un interstice d’éternité.
C’est un sentiment cher aux lusitaniens qu’ils soient portugais, cap verdiens, brésiliens.
Depuis longtemps, beaucoup de pays cherchent à traduire ce mot en vain, les traducteurs se contredisent et ne donnent qu’une idée approximative du terme, et il en est devenu un mot mythique, pourtant ce sentiment existe bel et bien.
Eduardo Lourenço éclaire particulièrement bien l’âme de l’exil, sa signification linguistique et littéraire dans son ouvrage Mythologie de la Saudade.
Pour ressentir ce sentiment exceptionnel il faut être portugais, coureurs des mers, découvreurs, explorateurs du monde. C’est une émotion pour une personne, un lieu, un moment, un éphémère du passé, du présent ou du futur.
Duarte Nunes de Leão : « Un souvenir de quelque chose et un désir de possession »
Camões : « Un bonheur hors du monde »
Vasco de Gama : « C’est le Portugal. »
Fernando Pessoa : « C’est la poésie du Fado »
Amalia Rodrigues : « Epine amère et douce »
Un marin : « C’est l’exil de l’esprit »
Un inconnu : « C’est la chair de poule »
Alors, la Saudade elle vient du climat, de la passion, de la tolérance, de l’amour de la patrie, de l’ouverture d’esprit, du voyage.
Un si joli mot qui ne trouve pas de traduction mais son épanouissement avec le Fado, la musique qui vient de l’âme. Le Fado, chanté par une Diva, une femme à la voix triste, expressive, authentique, sincère qui exprime l’émotion à fleur de peau.
La Saudade, elle vient aussi de l’exil. Bon nombre de marins sont à l’origine des textes du Fado qui est né dans le quartier portuaire de Lisbonne entre deux portes de bordel.
Plus qu’un chant, c’est une complainte qui s’interroge sur le destin des hommes, la nostalgie du passé, l’amour inaccompli, le chagrin, la condition humaine et ses sentiments, et forcément l’éphémère.
Au Portugal, c’est Amalia Rodrigues
Au Cap Vert, c’est Cesaria Evora
Alors la Saudade devient en créole Sodade.
La chanson de Cesaria Evora parle d’une séparation entre deux êtres qui s’aiment.
L’un est resté sur São Nicolau, l’une des îles du Cap-Vert et l’autre est parti pour São Tomé e Principe, une ancienne colonie portugaise, située en face du Gabon.
Quem mostro’b – Ess caminho longe? – Quem mostro’b – Ess caminho longe?
Ess caminho Pa São Tomé
Sodade sodade sodade
Dess nha terra d’São Nicolau – Si bo t’screve’m – M’ta screve’b – Si bo t’squece’m
M’ta squece’b – Até dia – Ke bo volta
Sodade sodade sodade
Dess nha terra d’São Nicolau
Qui t’a montré – Ce long chemin – Qui t’a montré – Ce long chemin
Ce chemin pour São Tomé?
Sodade Sodade Sodade
De ma terre de São Nicolau – Si tu m’écris – Je t’écrirai – Si tu m’oublies
Je t’oublierai – Jusqu’au jour – De ton retour
Sodade Sodade Sodade
De ma terre de São Nicolau