C’est une petite plage de sable rose corail dont la nudité, ourlée d’une eau turquoise, drapée de quelques rayons de soleil, dévoile sa sensualité au seul regard d’un amoureux transi.
La plage, du sable rose, mais du sable fin en pente douce. Une vraie plage avec des cocotiers pas ceux arrogants de certaines cocoteraies qui tendent leur tronc vers le ciel. Non les cocotiers qui se penchent amoureusement pour surplomber, à caresser les flots qui viennent mourir à leurs pieds. Ces cocotiers là sont respectueux de la vie. Ils offrent tendrement leurs fruits aux vagues, pas n’importe laquelle. La plus belle qui, transportée d’émoi de tant d’amour, saura parcourir les mers du sud avec sa grandeur d’âme, pour au gré des courants marins, ensemencer de désir d’autres lieux, d’autres iles.
Pour que voyagent au delà de l’horizon, des mots d’amour, des élans du cœur, des fragments de l’âme, comme des bouteilles à la mer.
Ce cocotier appréhende la vie, la Saudade au cœur, le reflet d’une faille, un sentiment de vide de l’instant présent, une notion de manque, mais rarement d’amertume. Elle exprime l’envie de conjurer le sort, afin d’apporter par anticipation une beauté au futur, d’apprivoiser l’imprévisible, le néant vaste et noir. La Saudade, c’est la volonté inconsciente d’essayer de combler une lacune par la pensée, par le rêve, afin d’espérer rendre la vie plus belle, de connaitre l’harmonie avec la nature, les personnes, un éphémère. Et d’éphémères en éphémères, écrire une histoire qui se glisserait dans un interstice d’éternité.
« La belle princesse de Pape’uriri, Hina, fille du soleil et de la lune, était si belle que des éclairs de lumière émanaient de son corps diaphane. On parlait de la finesse de son visage, de ses yeux noirs, de ses lignes harmonieuses, de la souplesse de sa taille et surtout de ses longs cheveux brillants.
A l’âge de seize ans, elle fut promise en mariage par sa mère et son père au roi du lac Vaihiria, Faaravaaianuu. Quand on lui présenta son époux, se fut la stupeur et faillit s’évanouir de terreur. Elle découvrit, en effet, que le roi du lac était une monstrueuse anguille.
Hina, épouvantée, s’enfuit à Vaira’o, dans la presqu’île de Tai’arapu, et se mit sous la protection du grand Maui, qui savait ralentir la course du soleil. En revenant de la pêche, il fut ébloui par les cheveux d’Hina qu’un rayon de soleil avait frôlés. Mais l’anguille, le prince nommé Faaravaianuu sortit du lac et se fraya un chemin dans la vallée de Vaihiria dont le cours d’eau de la rivière fait penser au chemin d’une anguille. L’anguille arriva bientôt à retrouver la princesse.
De la falaise de Vairo, où Maui plaça deux tiki en pierre en guise de protection, ils aperçurent l’anguille qui venait chercher Hina. Maui jeta son hameçon de nacre et s’écria :
« De mon fief, aucun roi ne peut s’échapper, il deviendra nourriture pour mes dieux »
L’anguille avala l’appât et l’hameçon, fut capturée et décapitée.
En tombant la tête s’exprima:
« Un jour, les hommes qui me rejettent et toi la première, Hina, vous aurez besoin de moi et vous serez obligés de m’embrasser et de me remercier. Je fais le serment éternel d’être votre sauveur. »
Maui la coupa en trois morceaux et, ayant enveloppé la tête dans une pièce de tapa, le tissu végétal, il la présenta à Hina en disant :
« Ne pose surtout pas ce paquet à terre avant d’être arrivée chez toi, et plante-le au centre de l’enclos de ton marae. Cette tête d’anguille contient de grands trésors. Tu en tireras de quoi construire ta maison, de quoi boire et de quoi manger. »
Hina partit. A quelque distance de là, oubliant le conseil du dieu, elle désira se baigner avec ses servantes et déposa son paquet sur l’herbe. La terre alors s’ouvrit et engloutit la tête de l’anguille. Une plante apparut et se mit à grandir. Elle devint un arbre étrange, ressemblant à une immense anguille dressée, la tête vers le soleil : le premier cocotier venait de naître.
Alors Hina comprit qu’elle ne pouvait plus rentrer chez elle, qu’elle devait surveiller la croissance de cette nouvelle richesse. Les jours passèrent. Une grande sécheresse survint et seul le cocotier résista. Les hommes goûtèrent alors les fruits qui contenaient une eau sucrée et sur lesquels apparaissaient trois taches sombres, dessinant les yeux et la bouche de l’anguille.
Ainsi, boire un coco à la façon de Hina, c’est savourer un baiser royal jadis refusé.
Légende Polynésienne
Le cocotier est le symbole des grandes migrations océaniques qu’accomplirent ces navigateurs hors pairs que furent les anciens polynésiens. Il y a plus de deux mille ans, à bord de grandes pirogues à balancier, ils sillonnèrent tout le pacifique depuis le sud-est de l’Asie, découvrant toutes les îles du triangle polynésien de Tahiti à Hawaii, de l’île de Pâques à la Nouvelle Zélande.
Le cocotier, notamment par son amande, intervenait pour une part importante dans l’alimentation polynésienne traditionnelle. Les noix de coco fraîches étaient alors une base de nourriture incontournable. Certaines noix de coco peuvent renfermer presque un litre d’eau de coco, liquide limpide et rafraîchissant, plus ou moins pétillant et de saveur légèrement sucrée. L’eau de coco est à distinguer du lait de coco, qui lui est obtenu en pressant l’amande râpée.
L’amande est également intégralement comestible à différents stades de maturité. La chair molle du coco nia, le coco précoce faisait partie de l’alimentation des nourrissons. Râpée, l’amande fournit aussi la farine de coco employée en pâtisserie. Dans la cuisine traditionnelle, les recettes à base de noix de coco sont omniprésentes.
L’amande fraîche, broyée, chauffée, pressée à froid permet d’obtenir de l’huile de coco. Dans les temps anciens, cette huile a d’abord été utilisée comme source d’éclairage, pour alimenter les torches. Dans certaines îles, elle servait à embaumer les morts. On l’employait pour imperméabiliser les tapa, les tissus végétaux à base d’écorce. Les guérisseurs se servaient également d’un morceau de coque de coco nia pour réparer les fractures du crâne.
On utilisait les coques pour réaliser des récipients, coupes, bols, bouteilles, qu’on vernissait ensuite avec de l’huile de coco. Les coques carbonisées constituaient également un très bon charbon de bois. L’enveloppe des noix vertes était employée pour tanner les peaux.
La bourre de la noix mûre, tressées pour faire du cordage et des sacs, servaient également à filtrer les liquides, calfater les pirogues et allumer le feu. La fumée dégagée, épaisse et acre, est d’ailleurs un excellent moyen de tenir les moustiques à l’écart.
Encore vertes, ces feuilles servaient à fabriquer une grande variété d’objets, depuis les toitures pour les fare, les maisons, jusqu’aux nattes, paniers, nasses, éventails.
Le tronc du cocotier qui fournit un bois extrêmement résistant était employé pour réaliser les piliers des cases ou des structures sur pilotis.
Le cocotier, arbre de vie, arbre du ciel, arbre aux cent usages, c’est le jaillissement de la vie.
A l’orée de la première guerre mondiale, le coprah était devenu la première source d’huile végétale dans le monde. Ce qui incita les Polynésiens à en développer la culture de façon intensive. Sous l’impulsion de grands propriétaires terriens, d’immenses cocoteraies ont ainsi vu le jour. La culture du cocotier a alors transformé les paysages des îles polynésiennes, notamment celui des atolls et des îles basses. Les anciens polynésiens ne plantaient des cocotiers qu’en nombre limité, principalement aux environs des villages.
Aujourd’hui, l’exploitation s’est réduite aux petits producteurs des iles mais reste une activité essentielle pour le maintien des populations sur les atolls.
C’est dimanche, alors chez les évangélistes, pendant que les adultes prient, les enfants étudient en plein air. Chez les catholiques, l’église Saint Jean de la Croix est inondée du chant des paroissiens dont la prestance n’a d’égale que leurs tenues immaculées de blancheur. Chez les mécréants, c’est une journée de labeur comme une autre alors c’est le travail du coprah. Pour l’heure le détroquage qui, à la vue du tas de noix de coco, s’apparente à une véritable pénitence. Cent vingt noix de coco à travailler pour conditionner un sac de jute de cinquante kilogrammes.
Auparavant, le coprahculteur s’était rendu dans la cocoteraie pour rassembler les noix de coco tombées à terre et les pourfendent d’un coup de machette, les demi noix ensuite retournées et laissées au soleil pendant quelques jours.
Puis, c’est le détroquage qui consiste à évider la noix de coco à l’aide du pana, cet outil qui permet de séparer l’amande séchée de la coque, un geste rapide, précis, dangereux pour les non initiés à cette coutume ancestrale. Les copeaux récoltés sont alors déposés sur des séchoirs à coprah.
Le coprah avant même de le voir, vous le sentirez. Son odeur chaude et opulente, sûre et rance, onctueuse et entêtante que diffusent les cocoteraies, les séchoirs ou bien encore les entrepôts à proximité des quais où s’entassent les sacs de toile de jute en partance.
Au chargement des goélettes, à côté des ballots de citrons et de pamplemousses, des fûts de noni, des sacs de cinquante kilogrammes de coprah destinés à l’huilerie de Tahiti, sa vis sans fin, ses broyeurs, torréfacteur, extracteur d’huile, filtres, raffinerie pour obtenir l’huile qui dans l’intimité des fleurs, succombant à la sensualité, se métamorphosera en monoï.
Dans la fabrication artisanale, les polynésiens râpent la pulpe fraîche de la noix de coco et la mélangent aux fleurs de tiare Tahiti, en boutons ou épanouies, fraîches ou sèches. Certains y ajoutent parfois l’abdomen de petits crabes ou de Bernard-l’hermite, pour accélérer le processus de séparation de l’huile. Le soleil se chargera de la macération jusqu’à ce qu’une huile apparaisse, filtrée et laissée au repos de quelques jours à quelques mois.
Sa couleur est celle de la lumière de l’astre roi.
Sa texture tendre et soyeuse est celle de la volupté.
C’est une certaine idée de la beauté, bien au delà d’une apparence, celle de l’âme.
Quel beau texte ! De la culture (dans tous les sens du terme ) en poésie !
Par contre attention à ne pas faire la sieste sous un cocotier … par un beau jour d’été, une noix de coco à frôlé ma tifi !!!
Le coprah ! Il faisait partie des frets embarqués sur le cargo quand nous étions dans le fond ouest du Pacifique Philippines et indonésie. Désolé Gérald, cela n’avait rien de poétique ni de voluptueux. Une odeur de rance écoeurante dans la cale et les effluves qui montaient à la passerelle, et les petites mouches à coprah, innombrables, qui piquaient……… pouah…
Odeur quand moins violente que celle du nioc mam, chargée en pontée entre les ports du sud est asiatique. Mauvais temps ou manipulation, il arrivait qu’une jarre se brise….. dans les cinquante litres de ce condiment parfumé………
(Le nuoc-mâm (en vietnamien nước mắm) est une sauce à base de poisson fermenté dans une saumure)