J’ai tissé avec les étoiles une relation secrète, comme dans un monde à part. Une réalité sereine à la frange de l’imaginaire. Un monde lointain inatteignable sur lequel je sais pouvoir compter.
Ce n’est pas la distance qui mesure l’éloignement.
Antoine de Saint Exupéry
Terre des Hommes
Derrière le bleu du ciel diurne, derrière les nuages opaques, il est toujours là. Les retrouvailles du soir sont garanties. Elles desserrent, l’espace d’un moment, l’étau des angoisses. J’aime à me soigner, corps et âme, auprès des étoiles. C’est qu’au delà de leur dimension imaginaire, les étoiles existent vraiment.
La nuit, la mer devient comme une nuit. Lorsque l’obscurité est profonde, la Voie Lactée dévoile son halo blanchâtre. Le ciel lui devient une mer immense constellée d’archipels à la dérive. Je navigue alors parmi les étoiles. Je fais connaissance patiemment, les apprivoise puis apprends à les connaître passionnément. Elles portent des noms de princesses de légendes, de demi-dieux, de bêtes sauvages ou domestiques, ou encore des noms de récits orientaux qui chantent à l’âme. Les retrouver chaque soir, c’est comme relire le conte de fées des soirs d’enfance. Je me sens comme un habitant de la Voie Lactée.
Par une belle nuit sous les tropiques, le regard se laisse attirer par une grande arche blanchâtre qui traverse le ciel de part en part.
« Chuc Nu, l’une des plus belles parmi les filles de l’Empereur du ciel allait retrouver chaque matin, son métier à tisser sur les bords du Fleuve d’argent. Tous les jours, le berger Ngâu Lang menait paître les troupeaux de l’Empereur le long du fleuve. Tous les jours, il voyait la princesse à sa tâche, et il ne pouvait se lasser d’admirer la perfection de son visage et la grâce de ses mouvements. Chuc Nu ne put demeurer longtemps insensible à ses regards et Ngâu lang n’osa croire à son bonheur.
Quand l’Empereur de Jade s’aperçut de leur inclination mutuelle, il leur permit de s’épouser, exigeant seulement que chacun continuât son métier après leur mariage.
Au milieu des délices partagés, Ngâu Lang et Chuc Nu oublièrent hélas l’ordre de l’Empereur. L’Empereur du ciel se montra aussi sévère qu’il avait été bon et sépara les deux époux chacun d’un coté du Fleuve d’argent.
Et depuis lors, tous deux regardent par dessus la nappe lumineuse. Loin, l’un de l’autre, ils ne cessent de penser l’un à l’autre. »
Pham Duy Khiêm
Ecrivain Vietnamien
Conte de la voie lactée, le Fleuve d’argent
Achernar, étoile bleue, Alpha du fleuve Éridan, Alcor, cavalier de Mizar, Aldébaran dans le Taureau qui est orange, Aljunina qui ferme le quadrilatère d’Orion entourant les Rois Mages, avec Bételgeuse qui est rouge, Rigel qui est bleue, et Bellatrix, à mi chemin d’Androméde à la Polaire, le W de Cassiopée, Arcturus dans le Bouvier, Véga dans la Lyre, Altaïr dans l’Aigle, Régulus dans le Lion, Mirfak dans Persée, Castor dans les Gémeaux qui est vert pale, Kiffa boréal dans la balance qui est vert émeraude, Canopus dans le Navire Argo qui est bleue, Sirius dans le Grand Chien qui est blanche et de toutes la plus brillante.
Je navigue sur la voute du ciel, d’une étoile à l’autre comme j’irais d’escale en escale.
Sur mon réseau social personnel Starbook, c’est un potentiel d’amies incroyable. Quelques centaines de milliards de galaxies, chacune d’entre-elle contenant quelques centaines de milliards d’étoiles.
A dire vrai, je n’ai du poser mon regard énamouré que sur quelques milliers tout au plus et je n’en connais personnellement que quelques dizaines, des supergéantes bleues, des géantes rouges, les naines rouges à la beauté discrète en luminosité, pourtant les plus nombreuses, ne se laissent pas observer si facilement.
Je partage avec elles mes émotions, je leur confie mes doutes, je les sollicite parfois pour qu’elles accordent leur bienveillance à ceux que j’aime. Je leur dis des mots d’amour. Je vois leurs regards complices et des sourires lumineux, de l’essentiel, de l’élégance, de la fragilité, de la sensibilité des âmes, il y a des élans du cœur.
Parfois, la lune, sans doute jalouse de tant d’émois, se pare de son habit de lumière, la plus éclatante possible pour faire de l’ombre à mes amies les étoiles et les priver de leur brillance.
Mes préférences vont pour les Mages, au centre du quadrilatère d’Orion, Bételgeuse, Bellatrix, Rigel, Ajunina, les trois rois mages qu’on appelle aussi le baudrier d’Orion offrent l’alignement le plus droit et le plus brillant du ciel. Eux-mêmes dans l’alignement des Pléiades, les sept filles du géant Atlas, poursuivies amoureusement par Orion, Aldebaran dans le Taureau, Sirius dans le Grand Chien. Mon premier regard dans le ciel est toujours pour les petits mages que j’ai tant plaisir à saluer lorsque leur procession bienveillante passe au-dessus de moi.
Cassiopée, l’une des plus belles constellations, très facile à identifier par sa forme en W ou en M, dont les jambes s’écartent plus ou moins suivant l’heure de la nuit. Les anglais, tout en finesse, l’appellent Lady in her chair, la dame dans son fauteuil.
La Croix du Sud, dans l’hémisphère du même nom, la plus petite de toutes les constellations dont un amas d’étoiles est appelé la boite à bijoux. Ces cinq étoiles les plus brillantes figurent sur les drapeaux de l’Australie, du Brésil, de la Papouasie-Nouvelle Guinée, des Iles Cocos, des Samoa et Dante lui rend hommage dans La Divine Comédie:
I’ mi volsi à man destra, et puosi mente
a l’altro polo, et vidi quatro stelle
non viste mai fuor ch’a la prima gente
Je me tournai vers la droite et regardai
Vers l’autre pôle, et j’y vis quatre étoiles
Que nul ne vit depuis nos premiers ancêtres
Avec mes amies les étoiles, si lointaines et si proches, mon écrivain américain préféré vous dirait que Tendre est la nuit, et je me dis parfois que mes nuits sont plus courtes que vos jours.
Cette histoire se poursuit depuis des milliards d’années et il faut de nombreuses années pour que la lumière des étoiles vienne étinceler les yeux de la femme que j’aime.
Les étoiles sont responsables de la beauté et de la complexité du monde. Je leur dois mon existence et celle de ceux que j’aime. Ce n’est pas rien.
Peu à peu les nuits de naviguation m’aident à mieux les connaître .
Il est vrai que leur compagnie est toujours magique et en mer comme sur les montagnes elles sont une récompense dont on se lasse pas .