Une Harmonie de l’Ame

AKUTAKI, ouiia, AKUTAKI, ouiia, AKUTAKI, ouiia, ouiia, ouiaa

Dans la nuit de Tahiti, retentit un cri de guerre, lancé du plus profond des entrailles, surgi du fond des âges, jailli du tréfonds de l’âme.

La beauté, la beauté de la mer, la beauté de la sérénité, incroyable, forte, dense, sidérante, je suis émerveillé. Submergée par l’émotion, je n’ai pas envie d’aimer ce monde là mais de le chérir. Je sais enfin où sont mes racines. Pas des terres de mon enfance, pas des terres de mes ancêtres, même pas de la Provence de ma Mamie que j’aimais tant. Non, je suis de l’Océan, Okeanos.

C’est l’océan, le grand océan. Alors, face à lui, sauvage au milieu des embruns, droit dans les yeux, l’émotion chevillée au cœur, je lui parle ou plutôt je crie, j’hurle : Okéanos ! Okéanos ! Okéanos !
Il me parle car je suis de l’Océan, j’ai la mémoire de l’eau. Si j’ai du sel dans mon sang, cela doit venir de l’océan. Un beau jour sur mon berceau, la Fée des vents du large m’a fouetté le visage en me souhaitant un Rêve.

Je préfère à l’or, la houle et les fortunes de mer. J’aspire à rencontrer les forbans, aventuriers ou simples voyageurs. Je veux la démesure de l’azur, embrasser d’un seul coup tous les océans, mers, archipels, golfes, baies, îles, presqu’îles, atolls, détroits, caps, l’amour, le grand amour, l’amour fou.

Les Polynésiens nous montrent jusqu’à quel point on peut comprendre la mer.
Probablement inégalée et échappant même aux meilleurs navigateurs occidentaux, leur connaissance intime, leur intelligence du milieu marin a atteint très tôt dans l’histoire sa plénitude.

Fait unique dans l’histoire de l’humanité, les Polynésiens avaient déjà achevé depuis des centaines d’années l’exploration complète puis le peuplement du Pacifique, lorsque les vaisseaux de l’Occident y accédèrent à leur tour.

 » Ils sont les dignes descendants des dieux de la mer, à mes yeux les plus grands navigateurs de tous les temps  »

Un Paradis se meurt – Alain Gerbault

La voute céleste en regard de la surface de l’océan, les étoiles zénithales imagées des iles, le miroitement des nuages sur l’eau, le reflet des vagues irisées sur les nuages, les oiseaux entre le ciel et l’océan, les dieux de la nature, autant d’éléments reliés par mille liens invisibles qui composent cet univers dont le maître pilote Polynésien est partie intégrante, que son esprit pénètre, contemple et englobe d’une seule vision

Il n’a rien emporté, il n’a aucune dépendance. Héritier d’une lignée ininterrompue de Navigateurs depuis des millénaires, il ne compte que sur ses propres sens, sa mémoire et son intelligence inégalée des choses de la mer.

C’est un homme libre, un marin qui assume en plénitude son destin d’explorateur et de guide, sur les innombrables routes maritimes d’île en île, tissées par ses pères au sein de son océan.

Il sait parfaitement où il est et où il va, parce qu’il est partout chez lui dans cet immensité océane.
Le maître pilote Polynésien, c’est lui le Grand Navigateur.

A mes yeux, la réalité n’est séduisante que lorsqu’elle approche le rêve, pas n’importe quel rêve, l’unique, celui d’une émotion rare, pure comme le diamant.

Ici, je me sens comme un voyageur réconcilié avec lui-même, avec ses rêves. Je me sens plus que jamais relié à la nature, à l’océan, aux constellations, porteur de l’histoire cosmique, poussière d’étoile.

Au petit jour, je contemple les vagues qui affluent, déferlent, se brisent sur la barrière de corail du lagon. Sur la plage de sable blanc, un feu de bois de santal propage un parfum de chanvre indien. Le cœur s’adoucit, s’assagit, s’apaise, se calme. Pacifié, il ralentit jusqu’à suspendre le temps comme un plongeur en apnée dans le grand bleu.

Marquises, Société, Australes, Gambier, Tuamotu, mes archipels ou plutôt mes archi belles, mes amours, je vous aime. Je vous chéris.

Belles bien sur, mais bien plus que cela. Fortes, fragiles, lumineuses, sauvages, parées d’authenticité, de vérité, embellies d’ombres et de lumières. Vous êtes parées d’une émotion rare.

J’aspire à vous découvrir toutes. Bien sur avec un faible pour les Marquises qui je le sais, me laisseront aller à la rencontre de leurs sœurs, pour mieux revenir vers elles comme au premier jour.

Il y a ceux, bienheureux, qui peuvent vivre leur vie sans éprouver le moindre besoin d’y ajouter quoi que ce soit.
Il y a ceux, maudits, pour qui l’activité de leur imagination est essentielle. Pour eux, le monde peut être infiniment riche, gratifiant et séduisant mais il n’est pas indispensable. Il peut être interprété comme un présent que l’on mérite à la condition d’avoir créé quelque chose qui le dépasse, l’esprit du rêve.

 » Pour me comprendre, Il faudrait savoir qui je suis.
Pour me comprendre, Il faudrait connaître ma vie
Pour me comprendre, Il aurait fallu au moins ce soir
Pouvoir surprendre le chemin d’un de mes regards
Triste mais tendre, perdu dans le hasard.

Pour me comprendre, Il faudrait connaître mes nuits.
Mes rêves d’amour. Et puis mes longues insomnies.
Quand vient le jour, La peur d’affronter la vie.

Il y a peut être quelque part
Un bonheur dont j’aurai eu ma part.
Dommage, dommage.

Pour me comprendre
Il faudrait avoir rencontré, L’amour le vrai.
Vous comprenez le grand amour.
Et savoir qu’après, A quoi sert de vivre encore un jour.  »

Michel Berger
Pour me comprendre

Alors pour paraphraser Bernard Moitessier qui figure en bonne place dans mon panthéon personnel, dans ce que je considère comme son plus beau livre, Tamata et l’alliance :

Tous ces éphémères, je l’ai prends dans mes mains, j’en fais un bouquet et j’y mets le feu.
Des cendres encore chaudes, j’en retire ce qui n’a pas brulé, le vrai, le solide, l’authentique, le sincère, l’absolu, l’essentiel, la quintessence, petite poignée d’intangibles aussi légère qu’un nuage, dure cependant, comme la plus dure des pierres précieuses.

Je souffle sur les cendres, j’en balaie les dernières traces qui essaient de s’accrocher à moi, ne conservant au fond de mon cœur, libéré de sa gangue, que le précieux diamant, flamboyant comme une Harmonie de l’âme.

« Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur »

Tutehau Manate
Papeete – Tahiti – Polynésie

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Un commentaire

  1. Gerald ,comme toujours tes écrits sont poétiques ,mais ce texte est pour moi le plus poétique de tous .
    Merci

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